Un futur professeur
Il a piqué la mère-grand de tous les côtés, à chaque fois qu'une veine de gros calibre était censée être là, et tant pis s'il n'y avait rien. Cinq heures à torturer une mourante qui demandait qu'on la laisse s'éteindre, avant de la transférer en réa. "Ils n'ont plus le droit de mourir", pérorait-il encore cynique quelques jours plus tôt, avant de transformer peu ou prou une mémé sur le départ en une représentation post-moderne de la Passion du Christ. Dans le dossier, entre deux tentatives infructueuses, il a noté plusieurs fois qu'il s'était mis d'accord avec la famille pour ne pas mener de réanimation invasive, c'te blague.
Puis il a passé le reste de son astreinte chez lui, et c'est un autre blaireau bien amaigri -car vivant sur ses réserves- qu'il a fallu appeler très vite après pour confirmer que oui, mère-grand était bien (f)roide et non, elle ne portait pas de pace-maker... Dans quelques temps, revenu de vacances qu'il a prises sans avoir laissé la moindre transmission, il râlera sur tous les détails qui le narguent (notamment les broutilles administratives qui lui donneront une moins bonne note à la prochaine certification) et raillera des prises en charge qui auraient été meilleures s'il avait consacré son énergie à accomplir sa tâche première plutôt qu'à son cursus honorum.
Je vous le dis, mon chef est génial!